Etienne St. Julien de Tournillon to Nicholas P. Trist

Mon très chèr trist

j’ai reçu vos deux lettres du 28. fevrier et 12— mars ul.—je vous remercie bien de toutes les démarches que vous avez faites pour notre cher julien; mais je me vois dans la dure nécessité d’attendre un tems plus opportun pour mettre à éxécution le projet que j’avais de l’envoyer au nord. La situation de mes affaires est telle qu’elle ne Saurait Suffire aux dépenses que je Serais obligé de faire; et par l’état détaillé que je vais vous en donner vous jugerez vous-même s’il y a possibilité de ma part. mes dettes Se montent à la Somme énorme pour moi de $20000 En L’année 1824 j’ai fait [. . .]52—Boucauds de Sucre, leur net produit m’a donné à peine de quoi me couvrir Les dépenses de mon établissement en Sucrerie. En 1825 ma récolte a été de 80. Boucauds dont je peux porter le produit net a $5. ou 5500. ôtez Sur cette Somme l’intérêt des $20000. que je dois à Raison de 20./00—cela reduit donc mon revenu pour cette année à $3500. des quelles il faut encore Soustraire $1000. tant pour les dépenses de L’habitation, nourriture, habillement, comptes de medecin pour les nègres que pour celles de ma maison, qui Sont à la vérité bien modiques, car on peut [. . .] dire que ma manière de vivre touche un peu à la lézine, il reste donc Seulement $2500. à affecter au payement de ma dette principale; En admettant que j’arrive cette année à 100— boucauds cela porterait mon revenu à $6000. ou environ, ce qui me donnera encore une déduction de 3000 Sur mon capital dû: ainsi dans l’espace de deux années mes dettes Se trouveront réduites à 14000. d’après ce calcul il me faudra au moins Cinq années pour arriver à une liquidation générale. ce tableau n’est pas flatté il est cependant L’expression de la réalité. une chose qui m’inquiète encore davantage, c’est que je m’aperçois que plusieurs de mes créanciers fatigués d’attendre Vont me tomber Sur le dos: et alors quelle ressource me restera-t-il!—celle de leur demander du tems. Voilà, mon cher trist, ma position. porter a déjà entre Ses mains deux de mes Billets; avec la meilleure volonté du monde qu’il aurait à me Servir; Son devoir, comme avocat, l’oblige a épouser de préférence l’intérêt de Ses dieux: Je ne Suis donc pas Sans inquiétude; et Si l’éternel a reparti à chacune de Ses créatures Sa portion de peines et de Souffrances, je peux bien dire avec raison, que je n’ai point été oublié dans ce partage. cependant, comme il est tems et grand tems que Julien quitte la maison, je me détermine à l’envoyer au collège de St Joseph à [. . .] Burdstown dans le Kentucky près louisville, le prix de cet établissement n’est que de $125. pour chaque élève, Son passage pour louisville me coûtera 25 et celui de Louisville à Burdstown $5.—aussi, En attendant mieux, avec $55. je fournirai à Ses dépenses pour une année. je ne vous cache pas que ce n’est qu’avec regret que je prends cette détermination, pour deux causes, la prémière, c’est que le collège où je l’envoie est tenu par des prêtres espèce de Secte pour laquelle j’ai eu toujours très peu de prédilection, la Seconde c’est qu’il Sera privé de vous voir et par conséquent de votre Société et de celle de vos amis.

je joins ici un prospectus d’un établissement tenu en ville par mlle Valframbert je vais y conduire notre chère mary. peut-être accompagnerai-je julien Si je me trouve à bord du S.B. où il prendra Son passage, personne à qui le recommander, dans ce cas je vous écrirai de louisville.

Sous le rapport financier notre pays est dans un triste état: les planteurs de coton ont fait très peu et encore ce peu Se vend-il à un prix très modique. je crains bien que les beaux jours de cette louisiane, qu’on dit être Si riche, Soient passés.

j’ai été comme vous et je le Suis encore attaqué de cette maladie régnante, designée, je ne Sais à propos de quoi, Sous le nom d’influence: cependant j’en ai été quitte jusqu’à present pour une forte toux que je tâche d’adoucir avec une tisane de [. . .] chiendent et du miel, du reste j’y fais peu attention et cela ne m’empêche pas de vaquer à mes travaux.

je vois que la question de panama est enfin décidée: j’ai lu pour et contre plusieurs débats y relatifs: je ne vois guère pourquoi ce Sujet est demeuré Si long-tems Sur le tapis, et Si ce n’est eu égard à nos relations commerciales je ne Sais trop à quoi bon y envoyer nos délégués.

Votre président de la nommination du congrès ne me paraît pas un très grand démocrate. il y a Sans-doute des exceptions à la règle, et nous En avons la preuve, mais je n’aime pas pour occuper ce poste un personnage qui a été long-tems dans les cours étrangères. là, on respire un air qui S’assimile peu avec celui qui souffle au capitole, on s’y familiarise bien plutôt avec la flaterie: [. . .] pour preuve le discours de Votre ministre E. à Sa m. le roi ferdinand VII. En le lisant je me suis froté plusieurs fois les yeux, croyant que je revais, et pouvant à peine concevoir qu’un representant d’une nation libre pût à ce point jouer l’adulateur; certainement le président de la nommination du peuple n’eut pas fait tenir à Son ministre un Semblable langage. quant à La question de panama: mon opi[nion] est que Votre président et votre congrès eussent mieux fait de S’en tenir à cette grande loi Du grand zoroastre: “quand tu ne Sais Si la Démarche que tu médites est bonne où mauvaise, abstiens-toi.” au reste j’aime assez cette observation consignée dans un journal de londres: “Si un congrès doit avoir lieu En amérique c’est aux E.U. qu’il doit Se tenir.”—mais il paraît que votre gouvernement tient peu à L’étiquette quoique ses ministres tiennent beaucoup à celle des cours.

Par D’âprès Votre lettre j’espère bientôt avoir à Vous féliciter d’être père: je recommande à votre épouse de prendre le plus d’exercice qu’elle pourra jusqu’à cette épôque et j’ose augurer pour elle et pour Vous que tout ira bien; je plains julien d’être privé de faire sa connaissance; mais [. . .] je le console dans l’espèrance qu’elle n’est que différée.

je ne Sais ce qu’est devenue la petite lampe de nuit dont Vous me parlez, je l’ai demandée aux domestiques et surtout à Katy qui n’a pu la trouver; l’usage que vous désiriez En faire augmente les regrets que [j]’ai de ne pouvoir vous l’envoyer.

j’epprouve toujours des douleurs à mon Bras et Surtout aux changements de tems mais j’espère qu’en portant de la flanelle elles Se dissiperont insensiblement.—B. vient de passer deux mois à la N.o. je l’ai trouvé en ville lorsque je Suis descendu avec une partie de mes Sucres que je n’ai pas Vendus parce qu’ils étaient peu demandés alors. je Vais redescendre Sous 12 ou 15. jours pour conduire mary chez mlle Valframbert et pour faire Embarquer Julien pour louisville.

made B. est toujours à peu de choses près Dans le même état où elle était lors de votre départ pour le nord: la Séparation de Ses petits Enfans va occasionner chez elle un grand Vide. malgré cela je dois dire qu’elle est la prêmière à me faire Sentir la nécessité de leur éloignement pour leur bonheur présent et à venir: vous ferez bien de lui écrire et je Vous y engage Beaucoup. julien et mary ont aussi la maladie regnante: Un nouveau docteur, un nommé Bousogne, les a Vus. ce monsieur est un grand parleur grand mangeur et grand Buveur; du reste bon medecin et ayant reçu une education Soignée.

adieu, mon cher trist, presentez mes hommages respectueux à madam Votre épouse; recevez les tendres baisers de mes enfans que je Vous recommande, Si quelque malheur Venait à m’arriver et croyez-moi pour la vie Votre Sincère ami et pere.

Tournillon.

P.S. J’ai fait mettre à La N.o. chez un de mes amis E. I. Bernard un Baril de sucre1 fabriqué par moi pour vous être acheminé par le premier navire qui partira pour richmond: j’ai pris la liberté de mettre le nom de m. jefferson pensant qu’il Se rendrait [plus sûre]ment avec cette inscription.—

editors’ translation

My very dear Trist,

I have received your two letters of last 28 February and 12 March.—I thank you for all the steps you have taken on behalf of our dear Julien, but I find myself in dire need to wait for a more opportune time to carry out the plan I had made of sending him north. The state of my business is such that it could not possibly cover the expenses that I would necessarily incur. You will judge, from the detailed account that I am going to give you, whether it is feasible for me. My debts amount to the sum, enormous for me, of $20,000. In the year 1824, I made 52—barrels of sugar, the net product gave me hardly enough to cover the expenses of my sugar mill. In 1825, my crop came to 80. barrels, of which I can estimate the net income at $5,000 to $5,500. Take out of this sum the interest on the $20,000 that I owe at the rate of 20%—this reduces my revenues for that year to $3,500. Out of these I must subtract $1,000 for property, food, and clothes expenses, doctor’s fees for the Negroes as well as my household, which in truth are rather modest, for one could say that my lifestyle verges upon stinginess. Therefore there remains only $2,500 designated for the payment of the principal of my debt. Assuming that I reach 100—barrels this year, it would bring my revenue to $6,000 or around that, which will give me another deduction of $3,000 on the principal I owe. Thus, in two years’ time, my debts will be reduced to $14,000. According to this calculation, it will take me at least five years before I achieve total liquidation. This picture is not flattering. It is nevertheless the portrait of reality. One thing that worries me even more is that I notice that several of my creditors, tired of waiting, will come down on me. Then what resource will I have?—that of asking for more time. There, my poor Trist, is my position. Porter already has in his hands two of my promissory notes. Despite the best will in the world he might have to serve me, his duty, as a lawyer, obliges him to side preferably with the welfare of his own gods. Therefore I am not without concern, and if the Eternal One has doled out to each of His creatures its share of pains and sorrows, I can tell you with good reason that I was not forgotten in the deal. However, since it is time, past time, for Julien to leave the house, I am determined to send him to St. Joseph’s School in Bardstown, in Kentucky, near Louisville. The price of this institution is only $125 per student. His trip to Louisville will cost me $25, and from Louisville to Bardstown, $5.—So, while waiting for something better, with $55, I will cover his expenses for one year. I will not hide from you that it is only with regret that I am making this decision, for two reasons. The first is that the school where I am sending him is run by priests, a sort of sect for which I always had little predilection; the second is that he will be deprived of seeing you and consequently of your company and that of your friends.

I include herewith a prospectus of an institution in town run by Miss Valframbert. I will take our dear Mary there. Perhaps I will accompany Julien if I find myself aboard the S. B., which he will take (nobody to whom I could ask to look after him). If so, I will write you from Louisville.

From the financial angle, our region is in a sad state. Cotton planters made very little, and still the little they had was sold at a very modest price. I fear that the beautiful days of this Louisiana, which is said to be so rich, have passed on.

Like you, I have been and I am still attacked by this prevailing sickness called, I do not know why, influenza. However, I have been spared until now, except for a strong cough that I try to soothe with an infusion of wheatgrass and honey. Besides, I pay little attention to it, and it does not prevent me from going about my work.

I see that the question of Panama has been decided at last. I read several pro and con debates about it. I hardly see why the subject remained on the table for so long and if not for our commercial connections, I do not see what good there is in sending our delegates there.

Your president appointed by Congress does not seem to me to be a great democrat. There are no doubt exceptions to the rule, and we have proof of it, but I do not like this position filled by a character who was for a long time living in foreign courts. There one breathes an air that resembles very little the one that blows over the capitol. Rather, here one familiarizes oneself with flattery, witness the speech of your minister E. to his majesty King Ferdinand VII. When I read it I rubbed my eyes several times, believing that I was dreaming, and could hardly conceive that a representative of a free nation could play the role of sycophant to that degree. The president appointed by the people would certainly not have allowed such language. As to the question of Panama, my opinion is that your president and your congress would have done better to keep to the law of the great Zoroaster: “When you do not know whether the step you are considering taking is good or bad, refrain from it.” Besides I very much like this observation consigned in a London newspaper: “If a congress must take place in America, it is in the United States that it must be held.”—But it appears that your government cares little about etiquette, though its ministers care a lot about that of the courts.

According to your letter, I hope I will soon have to congratulate you for being a father. I recommend to your wife that she exercise as much as she can until that time and I dare foresee that everything will go well for her and for you. I regret that Julien will not get to know the baby but I console him with the hope that this is only postponed.

I do not know what became of the small night lamp of which you speak. I asked the servants and especially Katy, who could not find it. The use that you wished to make of it deepens my regret in not being able to send it to you.

I still feel pain in my arm, and especially when the weather changes, but I hope that by wearing flannel it will dissipate gradually. B. just spent two months in New Orleans I found him in town when I went down with part of my sugar, which I did not sell because it was in low demand at the time. I will go back down in 12 or 15 days to take Mary to Miss Valframbert’s and to put Julien on board for Louisville.

Mrs. Brown is still more or less in the same state as at the time you left to go north. Her separation from her grandchildren will create a great void for her. In spite of that, I must say that she is the first to impress upon me the need to send them away for their present and future happiness. You will do well to write her, and I very much urge you to do it. Julien and Mary also have the prevailing sickness. A new doctor, named Bousogne, has seen them. This gentleman is a big talker, big eater and big drinker, but then also a good doctor, who received a refined education.

Farewell, my dear Trist. Present my respects to Madam your wife, receive the tender kisses of my children, whom I entrust to you, if anything bad should happen to me, and believe me for life to be your sincere friend and father.

Tournillon.
RC (NcU: NPT); torn at seal; addressed: “Monsieur Monsieur N. P. trist Charlottesville Virginia”; stamped; postmarked Donaldsonville, 22 Apr.; endorsed by Trist: “Tournillon (St J). April 16. 1826.” Translation by Dr. Roland H. Simon. Enclosing a clipping from an unidentified newspaper, entitled: “Prospectus of Young Ladies’ seminary, kept by Miss Valframbert”; with notes on Tournillon’s finances in Trist’s hand on verso.
1Manuscript: “sucre Sucre.”
Date Range
Date
April 16, 1826
Collection
Repository